Sous un soleil automnal, coincé entre des collines verdoyantes, non loin de maisons blanches aux tuiles de couleur terracotta, le champ est occupé par 25 vaches à longues cornes qui se prélassent le long d’une route en lacet de Covas do Barroso.
Le hameau de 192 âmes au nord du Portugal, entouré d’une forêt de pins, est assis sur un tas d’or : du lithium, métal indispensable à la construction des batteries des voitures électriques. Les bovidés d’Aida Fernandes et de Nelson Gomes auront du mal à cohabiter avec l’exploitation de cet « or blanc », qui brille de tous ses feux dans l’actuelle transition écologique.
Cela fait cinq ans que le couple est mobilisé contre la future exploitation d’une mine de lithium à ciel ouvert, la plus grande d’Europe de l’Ouest.
Il y a un peu plus de quatre mois, le 31 mai, l’Agence portugaise pour la protection de l’environnement donnait finalement son aval au projet porté par la compagnie britannique Savannah Resources. Les premières pelletées devraient avoir lieu dans moins de trois ans sur une superficie d’au moins 600 hectares. Mais…
« Não a mina. Sim à vida ! »
Le couple Fernandes-Gomes veille au grain et, avec l’appui de groupes écologiques portugais et étrangers, il compte se battre devant les tribunaux avec cet argument du « gros bon sens » : pas question de polluer nos villages pour dépolluer les villes.
« Não a mina. Sim à vida » [Non à la mine, oui à la vie]. La bataille ne fait que commencer, mais peut-elle être gagnée ? Aida Fernandes, 43 ans, a le sourire triste. « Covas do Barroso est au moins à 90 % contre l’ouverture de la mine dans ce paysage qui n’a pas de prix. Nous ne voulons pas perdre les jardins de notre paradis. »
Covas do Barroso est au moins à 90 % contre l’ouverture de la mine dans ce paysage qui n’a pas de prix
— Aida Fernandes
La région, située à 140 kilomètres de Porto, est classée au patrimoine agricole mondial par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Avec sa chienne Sally, trois ans, Aida Fernandes se faufile entre ses vaches de la race autochtone barrosa, dont la viande est réputée dans tout le Portugal. Chacune vaut près de 3000 $, et les loups ibériques, nombreux dans le coin, ne sont jamais loin.
Dans sa vieille petite voiture noire — il y en a une vingtaine dans le village qui comptait 500 habitants il y a 50 ans —, la mère de Sofia, 17 ans, et de Gabriela, 12 ans, va prendre l’apéritif chez Elizabeth. La maison de son amie sera la première touchée par l’exploitation du lithium.
« Elle est à moins de 500 mètres du forage prévu. Imaginez la poussière que je vais recevoir… » Le projet de Savannah prévoit un forage d’au moins 1700 mètres de profondeur et un cratère à ciel ouvert de 800 mètres de diamètre pour une durée d’exploitation de moins de vingt ans.
Photo: Victor Char Le Devoir Les rues de Covas do Barroso sont placardées de messages en opposition à la mine. En haut : Aida Fernandes élève, avec son conjoint Nelson Gomes, des bovins de race autochtone barrosa, dont la viande est réputée dans tout le Portugal.
La compagnie britannique aurait promis monts et merveilles aux villageois, vite rejetés : nos terres ancestrales ne sont pas à vendre, peu importe le prix, répète la mairesse, Lucia Mo devant le bar du village O nosso café [notre café]. Le patron et ses clients préfèrent ne pas prendre position.
Pour Nelson Gomes, il n’y a tout simplement pas de mine propre et, si Savannah promet d’acheter les terres héritées de ses arrière-grands-parents, « c’est comme si elle nous disait qu’elle allait nous couper un bras ou une jambe et ensuite proposer à l’un des meilleurs médecins du monde de nous guérir ».
Pas d’acceptation sociale
« Près de 40 % des terres agricoles de Covas do Barroso ont été vendues, mais ce n’est pas assez. L’acceptation sociale n’est pas encore au rendez-vous », affirme le géologue Alexandre Lima, de l’Université de Porto. Il prospecte la région depuis un quart de siècle et rappelle ceci : les gisements de spodumène, minéral d’aspect vitreux, opaque, presque blanc, d’où sera extrait le lithium dans la région, auront une consommation d’eau faible.
Normalement, un million de litres d’eau sont nécessaires pour sortir une tonne de lithium. Savannah espère en produire assez afin d’alimenter tous les ans des batteries pour au moins 500 000 véhicules électriques.
Malgré le não des villageois, dont les baldios, terres communes, risquent d’être expropriées par le gouvernement socialiste d’António Costa, Savannah a ouvert un tout petit bureau à Covas do Barroso pour essayer de les convaincre du « bien-fondé » de sa mine, en minimisant les « dégâts collatéraux ».
Seront-ils importants ? Pour l’heure, Camarco, qui représente Savannah, répond ceci dans un courriel : « Malheureusement, nous sommes trop préoccupés [preoccupied] pour faire des commentaires. »
Rêves… et réalités
Aida Fernandes et Nelson Rodrigues ne sont pas avares de commentaires. Ils rêvent de voir le projet de Savannah Resources partir en fumée, comme ce fut le cas l’an dernier en Serbie, l’un des pays européens les plus pollués.
Pour des raisons de paix sociale, Belgrade a enterré celui de Rio Tinto. Le géant australien voulait exploiter le plus grand gisement de lithium du Vieux Continent.
Les yeux de l’Union européenne sont désormais tournés vers le Portugal, qui détiendrait les huitièmes réserves mondiales de lithium au monde, avec 60 000 tonnes.
Lisbonne estime qu’exploiter cet « or blanc » est d’« intérêt national ». Le bras de fer entre le « petit village gaulois » plusieurs fois centenaire et Savannah Resources risque de se terminer par la victoire de la compagnie britannique.
Francisco Ferreira, président de Zero, l’une des organisations environnementales portugaises montées aux barricades pour défendre Covas do Barroso, n’a pas encore dit ceci à ses habitants : « Ils seront forcés de vivre ailleurs, c’est une question de temps… »
Northvolt s’intéresse au lithium portugais
Francisco Ferreira n’a pas été surpris quand le groupe pétrolier portugais Galp Energia et le constructeur de batteries suédois Northvolt, celui-là même qui prévoit une méga-usine de cellules de batteries au Québec, ont annoncé en décembre 2021 la construction d’une usine de raffinage de lithium au Portugal.
« Elle verra le jour à Setúbal, à 40 kilomètres au sud de Lisbonne », rappelle le président de Zero, la principale organisation écologique défendant les villageois de Covas do Barroso.
Galp et Northvolt comptent s’approvisionner en minerai auprès de la compagnie britannique afin d’alimenter les batteries d’environ 700 000 véhicules électriques par an.
Avec cette usine de raffinage qui devrait débuter ses opérations en 2026, l’Europe veut réduire sa dépendance, notamment à la Chine, qui contrôle plus de 40 % des capacités de production et au moins 60 % des capacités de raffinage dans le monde.
Le Portugal détient les premières réserves de lithium en Europe et les huitièmes au monde.
Author: Chelsea Miller
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